Jour 99 - Conférence Nationale du Handicap et accessibilité web
Retour sur les propositions évoquées en faveur de l’accessibilité numérique lors de la Conférence National du Handicap.
Ce que j’ai fait :
- lire la synthèse du rapport Accessibilité numérique, entre nécessité et opportunité(lien externe) du Conseil National du Numérique
- lire le communiqué L’accessibilité numérique : levier stratégique d’amélioration des services publics numériques pour tous(lien externe) de la Direction Inter-Ministérielle du Numérique
- regarder des extraits de la Conférence Nationale du Handicap(lien externe)
- lancer quelques tests d’accessibilité sur la plateforme voxusagers.gouv.fr(lien externe)
Rappel
Le 11 février 2020 a eu lieu la Conférence Nationale du Handicap (CNH). Pour rappel, cet événement a été mis en place par la loi de 2005 afin de débattre des orientations et des moyens de la politique concernant les personnes handicapées. Elle a lieu tous les trois ans et coïncidait symboliquement cette année avec les 15 ans de la loi Handicap du 11 février 2005.
Vous pouvez visualiser l’intégralité de la conférence en vidéo(lien externe) ou lire le compte-rendu réalisé par Handirect(lien externe).
Le traitement de l’accessibilité web dans la conférence
Le sujet qui nous intéresse, l’accessibilité web, a été relativement peu mentionnée au cours de cette conférence (dont le thème était certes très vaste). Une intervention de Fernando Pinto Da Silva(lien externe) (à 1h 22min 37s dans la vidéo), vice-président du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées en charge de l’accessibilité, de la conception universelle et du numérique, permet de rentrer dans le vif du sujet.
Fernando rappelle d’abord que le numérique peut être, pour les personnes handicapées, autant une source d’autonomie qu’une source d’exclusion supplémentaire. A l’heure actuelle, le Dossier Médical partagé, le service Mon Compte Formation ou encore le Référendum d’Initiative Populaire sur les Aéroports de Paris ne sont pas accessibles.
Une étude menée en 2014 par l’association Braillenet montre que 3,7% des sites publics seulement présentent une déclaration d’accessibilité. Cela ne signifie pas qu’ils sont accessibles, mais seulement qu’ils indiquent l’être ou non. Sur ces 3,7%, en réalité un seul site présentait 10 critères d’accessibilité numérique. Fort de ces constatations, Fernando pose la question suivante :
Que pensez-vous faire concrètement pour que, dans les années qui viennent, le numérique soit une composante d’accessibilité pour l’ensemble des Français ?
Cédric O, secrétaire d’État chargé du Numérique, répond que sur les 250 démarches administratives les plus utilisées par les Français, seules 13% d’entre elles sont accessibles. La marche forcée de la numérisation ces dernières années a laissé de côté de nombreux citoyens.
Cédric O prévoit la mise en place d’une cellule spécifique en lien avec le Conseil National du Numérique au sein de l’État pour accompagner et faire monter en compétence les administrations sur l’accessibilité des sites internet. En effet, les développeurs et ceux qui mettent en place les sites sont insuffisamment formés et conscients. Il évoque également la mise en place d’une “task force” spécifique pour accompagner les développeurs. Enfin, le secrétaire d’État fixe pour l’année 2020 un objectif de 80% de démarches administratives accessibles.
Analyse des mesures proposées
Afin de mieux comprendre les différentes mesures annoncées par Cédric O, je me suis penchée sur deux documents :
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le communiqué L’accessibilité numérique : levier stratégique d’amélioration des services publics numériques pour tous(lien externe) de la Direction Inter-Ministérielle du Numérique (DINUM)
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le rapport Accessibilité numérique, entre nécessité et opportunité(lien externe) du Conseil National du Numérique (CNNum)(lien externe), remis aux ministres le 5 février 2020, en prévision de la CNH.
Ces deux documents explicitent les mesures annoncées et proposent également d’autres pistes en faveur de l’accessibilité numérique.
Note : Je laisse volontairement de côté l’affirmation selon laquelle 80% des démarches administratives seront accessibles d’ici 2022, qui fera l’objet d’un article ultérieur (le dernier de ce challenge #100daysofa11y !).
Mise en place d’un “task force” dédiée
Cette fameuse “task force” est l’un des trois axes proposés par le CNNum concernant l’accès aux services publics numériques. Le rapport propose de créer une Délégation Ministérielle de l’Accessibilité Numérique (DMAN) rattachée au secrétariat d’État au numérique.
Cette proposition s’inspire du modèle de la délégation ministérielle de l’accessibilité du bâtiment du ministère de la Transition écologique et Solidaire. Cette DMAN aura pour mission d’assurer le suivi et la mise en oeuvre des obligations d’accessibilité, à travers un pouvoir de sanction sur autosaisine ou sur plaintes d’usagers.
Le CNNum propose également de désigner un délégué à l’accessibilité numérique afin de mieux responsabiliser les acteurs de l’administration.
Mieux sensibiliser et former à l’accessibilité
En écho aux propos de Cédric O, le rapport du CNNum pointe le manque de formation des professionnels et professionnelles du web et du numérique en matière d’accessibilité. Plusieurs pistes sont envisagées pour remédier à cela :
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sensibiliser les professionnels et professionnelles du numérique à la réglementation de l’accessibilité via la création d’un MOOC ou d’une formation en ligne sous l’égide de la Commision Nationale de l’Iinformatique et des Libertés
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créer de vrais parcours de formation sur l’accessibilité numérique et l’inscrire comme compétence dans les référentiels de formation
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inscrire l’accessibilité numérique au Répertoire National des Certifications Professionnels
La DINUM prévoit également de renforcer son pôle Design afin accompagner plus efficacement les administrations au travers de formations et d’audits, et de généraliser les bonnes pratiques de développement pour des services numériques accessibles et inclusifs pour toutes et tous.
Mise en place d’une plateforme de signalement
Enfin, le CNNum recommande de mettre en place une plateforme en ligne de signalement au profit des usagers qui souhaitent signaler les sites non accessibles.
En réponse, la DINUM invite dès le printemps 2020 les usagères et usagers à signaler sur une plateforme déjà existante, voxusagers.gouv.fr(lien externe), les services, formulaires, et interfaces qui ne sont pas accessibles numériquement.
La DMAN, sera chargée du traitement et de la centralisation des plaintes.
La petite constatation, drôle ou pas, c’est que la plateforme en question est loin d’être accessible. En jetant un petit coup d’oeil très rapide on constate en effet que les labels ne sont pas reliés aux champs de formulaire correspondants, que la hiérarchie de titres n’est pas respectée, que les contrastes sont insuffisants, que de nombreuses images ne possèdent aucun attribut alt
… et ça peut continuer longtemps.
Actuellement, cette plateforme n’est pas dédiée aux problèmes relatifs à l’accessibilité numérique. Via ce site, les internautes ont la possibilité de relater toute expérience de contact avec une administration, qu’elle soit bonne ou mauvaise, en ligne, par téléphone ou sur place. A voir si des changements sont opérés à partir du printemps 2020 pour signaler plus spécifiquement les problèmes liés à l’accessibilité.
Conclusion
Il est difficile de savoir si ces mesures seront concrétisées à moyen ou long terme. En dehors du printemps 2020 concernant la plateforme de signalement et l’année 2022 concernant la mise en accessiblité de 80% des démarches administratives, aucune autre date n’est avancée.
De même, aucun budget n’est pour le moment alloué aux mesures proposées, pourtant la création de la DMAN ou la formation du personnel à l’accessibilité ne seront pas sans coûts.
Enfin, rappelons que le CNNum n’a qu’un rôle d’information et de conseil, et qu’à ce titre ses recommandations ne seront pas nécessairement suivies.
A mon sens, l’axe le plus intéressant concerne la sensibilisation et la formation à l’accessibilité pour les professionnel·lles du web. A l’heure actuelle, très peu de formations web intègrent l’accessibilité dans leur cursus et c’est un vrai problème. Les travailleurs·euses du web doivent être les premiers ambassadeurs·rices de l’accessibilité, car en tant que professionels·lles c’est notre rôle de veiller à l’emploi de bonnes pratiques, qualitatives et accessibles pour construire un web inclusif.