Jour 98 - Promouvoir l'accessibilité par les bénéfices induits (partie 2)

Est-il pertinent de promouvoir l’accessibilité par les bénéfices induits ?

Ce que j’ai fait :

Ce que j’ai appris

Les bénéfices induits au service de l’argumentation

De la nécessité de convaincre

L’initiative pour l’accessibilité du Web (Web Accessibility Initiative – WAI), a été lancée en avril 1997 par le W3C. Sa principale mission est alors proposer des solutions techniques pour rendre le web accessible aux personnes handicapées. C’est encore le cas aujourd’hui.

L’accessibilité n’est donc pas un sujet récent. Pour autant, aujourd’hui en 2020, de nombreux développeuses et développeurs, cheffes et chefs de projet, designers, rédactrices et rédacteurs, se battent pour convaincre les clients à faire de l’accessibilité. Malgré les obligations légales et les sanctions financières, l’accessibilité demeure l’exception et non la norme, et il faut user de persuasion pour entreprendre une démarche en faveur des personnes handicapées.

Parler des bénéfices induits pour convaincre

Dans ce contexte, parler des différents bénéfices induits peut aider à faire pencher la balance en faveur de l’accessibilité. Si une mise en accessibilité est susceptible d’apporter des avantages supplémentaires sans effort particulier, le signaler au client peut l’aider à le convaincre.

D’autre part, évoquer le fait que l’accessibilité profite à d’autres, en plus des personnes en sitation de handicap, peut permettre aux valides de s’identifier : un internaute aura du mal à voir l’intérêt premier d’ajouter des sous-titres sur une vidéo - à savoir fournir une alternative textuelle pour les personnes sourdes - mais il sera sensible au fait que ces sous-titres peuvent lui être utiles en cas d’environnement bruyant ou au contraire tenu au silence.

Parler des bénéfices induits de l’accessibilité pour vendre cette dernière peut donc se révéler utile. Pour autant, mettre uniquement en avant ces bénéfices induits pour promouvoir l’accessibilité est une erreur à plusieurs niveaux.

Les risques d’un discours axé uniquement sur les bénéfices induits

Le risque de présenter l’accessibilité comme une solution magique

Mettre en accessibilité un site ne règle pas tous les problèmes de référencement, ergonomie, performance… L’accessibilité peut certes améliorer certains points, mais elle n’est pas suffisante au point de ne pas travailler les autres domaines de la conception web.

D’autre part, comme le signale Gaël Poupard en commentaire de l’article Pour en finir avec les bénéfices induits de l’accessibilité(lien externe), mettre uniquement en avant ces bénéfices risque d’induire le client en erreur en lui faisant croire que faire de l’accessibilité, c’est aussi faire du référencement ou de la performance. Or il s’agit bien de domaines différents et une prestation d’accessibilité n’est en rien une prestation de référencement ou de performance.

Dans ce même article, Nicolas Hoffmann écrit ainsi :

Selon moi, vendre l’accessibilité uniquement sur les bénéfices induits est malhonnête et c’est voué à perte. Par contre, utiliser honnêtement les bénéfices induits pour aider à vendre l’accessibilité… où est le problème ?

Le risque de perdre de vue l’objectif premier : les personnes handicapées

La WAI définit ainsi l’accessibilité web :

L’accessibilité du web signifie que les sites web, les outils et les technologies sont conçus et développés de façon à ce que les personnes handicapées puissent les utiliser.

Les personnes en situation de handicap sont bien les premières bénéficaires et concernées par l’accessibilité du web. Faire en sorte que des personnes handicapées puissent consulter et utiliser un site web, comme n’importe qui, est le premier arguement à mettre en avant lorsqu’on parle d’accessibilité. Et l’affirmation “Très peu de personnes handicapées utilisent notre site de toute façon” n’est pas un argument recevable.

Sarah Horton dans son article Math is hard. People with disabilities matter(lien externe) écrit ainsi :

En un sens, j’ai changé d’avis sur les chiffres, dans la mesure où ils n’ont pas à être grands pour être importants. S’assurer que les personnes en situation de handicap peuvent participer doit être une raison suffisante pour construire des produits accessibles et utilisables - que ce soit pour une personne, un millier ou un million.

Pourquoi l’accessibilité a-t-elle besoin d’être vendue ?

La question de l’utilisation ou non des bénéfices induits pour promouvoir l’accessibilité en amène une autre : pourquoi est-il nécessaire de vendre l’accessibilité web ? Pourquoi un web accessible à toutes et à tous ne va-t-il pas de soi ?

On entend rarement des experts promouvoir les bénéfices annexes du référencement ou de la performance. L’accessibilité est un des rares domaines que l’on cherche à valoriser avec des “extras”. A mon sens, cet état de fait montre au mieux une méconnaissance, au pire un désintéressement pour le sujet du handicap.

L’Etat lui-même, qui devrait être un exemple et un moteur en la matière, est à la traîne : Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du numérique, a annoncé lors du Conseil National du Handicap du 11 février 2020 que l’Etat se fixait l’objectif de 80% de démarches administratives en ligne accessibles aux personnes handicapées. Or, la directive européenne de 2016 exigeait la mise en accessibilité de tous les sites web publics au plus tard le 23 septembre 2020. Ces objectifs, bien en dessous des obligations légales, montrent bien le faible intérêt pour le sujet.

L’accessibilité n’est donc pas vue comme un sujet prioritaire et c’est cette perception qui doit changer. Dès lors que l’inclusion des personnes handicapées sera considérée comme une évidence, le recours aux bénéfices induits et avantages de l’accessibilité ne sera plus un sujet en soi.

Conclusion

A l’heure actuelle, parler des bienfaits et bénéfices induits de l’accessibilité reste nécessaire pour convaincre les décideurs et décideuses de faire des sites accessibles à toutes et à tous. Ces bénéfices induits sont des arguments non négligeables qui peuvent aider à vendre l’accessibilité. Toutefois, il convient de garder en tête la cible concernée en premier lieu : les personnes handicapées.